Fille napalm photographe : la polémique sur l’auteur

L’essentiel à retenir : la paternité de la célèbre photo de la « fille au napalm » est remise en cause par le documentaire The Stringer. Alors que l’histoire retient le nom de Nick Ut, des éléments techniques pointent vers le pigiste Nguyễn Thành Nghệ, obligeant le World Press Photo à suspendre le crédit officiel face à ce doute historique.

Si nous associons instinctivement Nick Ut à l’image de la fille napalm photographe, l’analyse factuelle des négatifs et des appareils utilisés sème désormais le doute sur cette attribution historique. Je décrypte ici les éléments techniques contradictoires opposant la version de l’Associated Press aux révélations du documentaire The Stringer. Cette relecture des faits démontre comment l’examen minutieux d’une planche contact peut potentiellement redéfinir la paternité d’une icône mondiale.

  1. L’histoire officielle : un cliché qui a secoué le monde
  2. La paternité remise en question : quand le mythe se fissure
  3. L’enquête : que disent les preuves ?
  4. De l’icône à la femme : la vie après la photo

L’histoire officielle : un cliché qui a secoué le monde

Le 8 juin 1972, l’horreur en direct de Trảng Bàng

C’était le 8 juin 1972, dans le village de Trảng Bàng. Une frappe au napalm des forces sud-vietnamiennes a déchiré le ciel. Censée viser le Viêt-Cong, l’attaque a broyé des civils innocents.

Au cœur de ce chaos, une fillette de neuf ans, Phan Thị Kim Phúc, dévale la route. Elle est nue, ses vêtements littéralement fondus par le napalm. Le photographe de l’Associated Press, Huynh Cong « Nick » Ut, fige cet instant pour l’éternité.

Plus qu’une photo, un geste humain

Juste après le déclenchement, Nick Ut pose son boîtier. Il embarque Kim Phúc et d’autres enfants vers l’hôpital le plus proche. Ce réflexe humain lui a, sans aucun doute, sauvé la vie.

Pourtant, à la rédaction de l’agence Associated Press, l’image a failli finir à la poubelle. La nudité frontale de l’enfant violait les codes stricts de l’époque. On craignait le scandale.

Hal Buell, le patron de la photo, a tranché dans le vif. Il a estimé que la vérité historique primait sur la pudeur. Recadrée, l’image a fait le tour du globe, devenant le visage de la guerre du Vietnam.

Ces images de guerre étaient totalement inédites pour l’époque. Elles ont montré une réalité que le public n’avait jamais vue avec une telle brutalité et une telle force.

La paternité remise en question : quand le mythe se fissure

Pourtant, des décennies plus tard, cette version que l’on pensait gravée dans le marbre commence à se fissurer. Et si l’homme derrière l’objectif n’était pas celui que l’on a toujours cru ?

« The Stringer », le documentaire qui sème le doute

Tout a basculé avec un documentaire récent présenté à Sundance en 2025. Intitulé « The Stringer », ce film jette un pavé dans la mare. Il suggère que le véritable auteur du cliché ne serait pas Nick Ut. L’enquête pointe vers un autre homme.

Le film met en avant le nom de Nguyễn Thành Nghệ, un photographe pigiste vietnamien présent sur les lieux ce jour-là. Selon cette thèse, c’est lui qui aurait capturé l’image iconique, et non le reporter star d’AP. Cette affirmation bouleverse totalement l’histoire officielle.

Des institutions ébranlées : AP et World Press Photo dans la tourmente

Face à ces nouvelles allégations, le World Press Photo a pris une décision forte. En mai 2025, l’organisation a suspendu l’attribution de la paternité à Nick Ut, créant un précédent historique.

De son côté, l’Associated Press maintient sa version officielle. L’agence continue de créditer Nick Ut, affirmant qu’il n’y a pas de preuve définitive pour changer le crédit actuel.

Ce n’est pas juste une querelle de photographes. C’est l’histoire même du photojournalisme et la crédibilité de ses institutions qui sont remises en cause. Le doute est officiellement installé dans toutes les rédactions.

L’enquête : que disent les preuves ?

La bataille des appareils photo et des négatifs

Le pivot de l’accusation repose sur un détail technique accablant. Nick Ut a toujours juré avoir opéré avec ses fidèles Leica. Or, l’examen minutieux des bandes négatives suggère une anomalie troublante. Tout indique que le cliché émane d’un Pentax.

Ce détail change la donne, car ce Pentax appartenait précisément à Nguyễn Thành Nghệ. Pire, la modélisation 3D de la scène, réalisée par Index, sème le doute. En replaçant les protagonistes dans l’espace, la position revendiquée par Ut ne colle pas.

Deux versions face à face

Nous voilà coincés entre deux narrations irréconciliables. D’un côté trône la légende du reporter héroïque de l’AP. De l’autre surgit l’ombre d’un pigiste vietnamien, gommé des archives.

Ce schisme soulève une interrogation brutale sur la valeur du le regard d’auteur engagé. L’identité de l’opérateur modifie-t-elle la charge émotionnelle de l’image ? C’est toute la question.

Pour y voir clair, il faut disséquer les faits froidement. Comparons point par point ces deux lectures de l’histoire. Les divergences matérielles entre la version canonique et la thèse dissidente sont flagrantes.

Point de comparaison Version officielle (Nick Ut / AP) Thèse du documentaire « The Stringer »
Photographe Huynh Cong « Nick » Ut Nguyễn Thành Nghệ
Agence Associated Press (reporter salarié) Pigiste (« Stringer ») pour AP
Appareil utilisé Leica Pentax
Statut de la paternité Maintenue par AP Suspendue par World Press Photo

De l’icône à la femme : la vie après la photo

Pendant que le monde de la photographie s’écharpe sur l’identité de l’auteur, la principale intéressée, Kim Phúc, a mené son propre combat pour se réapproprier son histoire.

Kim Phúc, se libérer du cadre

Kim Phúc a survécu à ses brûlures au troisième degré. Elle a enduré plus d’un an d’hospitalisation et une quinzaine d’opérations. Sa souffrance était inimaginable.

D’abord utilisée comme outil de propagande par le gouvernement vietnamien, elle a finalement fui au Canada en 1992. Elle y a construit une nouvelle vie.

Aujourd’hui, elle est ambassadrice de bonne volonté pour l’UNESCO. Elle témoigne pour la paix, affirmant avoir pardonné et s’être libérée de l’image qui l’a hantée.

Je ne suis plus une victime de la guerre. Je suis une survivante. J’ai réussi à sortir du cadre de cette photo pour prendre le contrôle de ma propre vie.

L’héritage culturel d’une image indélébile

L’image continue de choquer. En 2016, Facebook l’a censurée pour nudité avant de faire marche arrière face au tollé. Cette photo a inspiré de nombreux artistes, de la peinture au street art, qui en ont fait un symbole.

La photo a connu de nombreux avatars et réappropriations artistiques. Des créateurs comme Banksy l’ont détournée pour critiquer la société de consommation, lui donnant un tout autre sens et prouvant que son pouvoir est intact. Chaque artiste apporte son propre regard, un peu comme le fait un photographe avec un regard unique sur le monde.

  • Jerry Kearns
  • Vik Muniz
  • Manit Sriwanichpoom
  • Banksy

Au-delà des débats sur son auteur, je retiens surtout que la force de cette photographie reste inaltérée. Elle fige l’horreur de la guerre du Vietnam dans notre mémoire collective. Tandis que les experts analysent les négatifs, la survie de Kim Phúc dépasse le simple cliché pour devenir une leçon universelle de résilience.

FAQ

Qui est réellement le photographe derrière le cliché de la « Napalm Girl » ?

Historiquement, cette photographie emblématique est attribuée à Huynh Cong « Nick » Ut, un photojournaliste travaillant pour l’agence Associated Press (AP). C’est cette version qui a valu à l’image le prix Pulitzer et une reconnaissance mondiale pendant plus de cinquante ans.

Cependant, je note qu’une controverse récente a émergé suite à la diffusion du documentaire The Stringer. Des preuves techniques, notamment l’analyse des négatifs et du type d’appareil utilisé (un Pentax plutôt qu’un Leica), suggèrent que le véritable auteur pourrait être Nguyễn Thành Nghệ, un photographe pigiste vietnamien présent sur les lieux.

Qui est la jeune fille figurant sur cette photo historique ?

La victime centrale de l’image se nomme Phan Thị Kim Phúc. Au moment de la prise de vue, le 8 juin 1972, elle était âgée de neuf ans et fuyait son village de Trảng Bàng, hurlant de douleur après avoir été gravement brûlée par le napalm.

Après avoir survécu à ses blessures au prix de lourdes souffrances et de nombreuses opérations, elle a reconstruit sa vie au Canada. Elle est aujourd’hui ambassadrice de bonne volonté pour l’UNESCO, militant activement pour la paix et le pardon.

De quelle manière l’artiste Banksy a-t-il détourné cette image iconique ?

Le célèbre artiste de street art Banksy a réinterprété cette photographie en 2004 pour livrer une critique acerbe de la société de consommation et de l’impérialisme américain. Dans son œuvre, la fillette brûlée est encadrée par deux icônes de la culture américaine : Mickey Mouse et Ronald McDonald, qui lui tiennent la main avec des sourires figés.

Ce détournement crée un malaise volontaire. Il souligne, selon mon analyse, l’indifférence joyeuse du monde occidental et du capitalisme face aux horreurs de la guerre, transformant la souffrance réelle en un spectacle dérangeant.

Quel est le titre original de la photo de la « petite fille au napalm » ?

Si le grand public la désigne souvent par la description de son sujet, le titre officiel de la photographie en anglais est « The Terror of War » (La Terreur de la Guerre). Ce titre a été choisi pour souligner la portée universelle de l’image, au-delà du simple fait divers.

Ce nom reflète parfaitement l’impact du cliché, qui ne se contente pas de documenter un événement précis, mais incarne la brutalité absolue du conflit vietnamien et, par extension, de toutes les guerres modernes.

Qui est à l’origine du largage de la bombe au napalm ce jour-là ?

Il est important de préciser que la frappe aérienne a été menée par l’aviation sud-vietnamienne, et non par l’armée américaine directement, bien que les États-Unis fournissaient le matériel et le soutien logistique. L’attaque visait théoriquement des positions du Viêt-Cong.

Malheureusement, une erreur de jugement a conduit les pilotes à larguer les bombes au napalm sur un temple bouddhiste où s’étaient réfugiés des civils, dont la petite Kim Phúc et sa famille, provoquant le drame que l’on connaît.

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jeremy williams

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